Marc d'herré : de social-démocrate à social-libéral.
Vous pouvez lire la tribune de Marc d'Héré "de la social-démocratie
au socialisme libéral". Publié sur le site d'ies.
Compte tenu de nos différents débats actuels, il me semble que celle-
ci revet un caractère intéressant.
Bonne lecture,
Le socialisme vit la fin d'un cycle: l'idéologie marxiste s'est
effondrée, le monde communiste a disparu, et aujourd'hui la social-
démocratie atteint ses limites. Cette grande idée devenue une
grande force, source de progrès social et économique pour la
plupart des pays européens jusque dans les années 80, et dont
l'influence dépassait les frontières de la gauche, a épuisé ses
capacités d'innovation et de création. Sa vision de la
transformation sociale n'est plus en phase avec l'évolution du monde
et les attentes des citoyens, ses méthodes et ses moyens ont perdu
leur efficacité.
Se dire social démocrate n'a plus grand sens à l'heure où, à
gauche, la réflexion porte, même si ce n'est pas toujours avoué,
sur la manière d'envisager selon l'expression de Gilles Martinet,
une « post social-démocratie ». Sur le fond, l'inspiration sociale
démocrate, dans la conception élargie qui pendant près de
cinquante ans a irrigué l'essentiel de la pensée et de l'action
politique de la gauche européenne, consiste en un certain nombre
d'idées et de principes devenus inopérants dans les conditions
d'aujourd'hui.
Cette inspiration se caractérise par le recours à des systèmes
sociaux nationaux soumis à une faible contrainte extérieure, nés
dans une période de forte croissance - et qui, confrontés à la
baisse des recettes et à l'accroissement des dépenses, rongés par
les déficits, se trouvent désormais démunis et impuissants face à
l'aggravation de la précarité et de l'exclusion. Le vieil Etat
providence qui se paupérise face au champ infini des besoins, a
perdu en efficacité et en légitimité.
C'est la philosophie de l'assistance qui pouvait trouver une
justification quand il fallait élever rapidement le niveau de vie de
populations nombreuses et relativement homogènes, mais qui
apparaît aujourd'hui comme un obstacle au développement de
l'esprit d'initiative, qui freine le dynamisme dont nos
sociétés ont besoin. C'est, sur le plan social, une prise en
charge globale et uniforme, qui représente un anti modèle quand
s'affirme la nécessité de sélectivité, d'adaptation aux situations
particulières pour répondre aux conditions différenciées ainsi
qu'aux aspirations de plus en plus diversifiées des individus.
L'inspiration sociale-démocrate c'est aussi l'attachement à une
égalité formelle, abstraite, alors que c'est l'équité et une
solidarité concrète qui permettront de retisser un lien social
distendu. C'est également la protection des statuts, des droits
acquis, parfois la défense des corporatismes qui représentent autant
d'obstacles à la mobilité sociale et aux possibilités de réforme.
C'est, particulièrement en France, une méfiance vis à vis des
entreprises et du marché qui se traduit par une limitation des
conditions de la compétitivité et de la croissance. C'est la
focalisation sur la redistribution des richesses - avec des
résultats de moins en moins significatifs - en voulant ignorer les
moyens de produire ces richesses. C'est aussi le choix de
l'augmentation des dépenses publiques et la confiance dans
l'interventionnisme d'un Etat, dont l'action se trouve pourtant
limitée de toutes parts aujourd'hui et qui devrait au contraire se
concentrer sur ses missions essentielles, alléger son fonctionnement
pour dégager des marges de manœuvre notamment sociales.
Sur le plan international, c'était enfin au-delà d'un
internationalisme militant, l'absence de l'Europe dans le rapport
de force mondial - le parapluie américain lui ayant permis de ne
pas avoir à financer sa propre défense - alors qu' il lui
appartient aujourd'hui de s'affirmer sur la scène internationale,
d'être plus présente et plus active dans le monde.
S'éloignant d'une inspiration devenue avec le temps
conservatrice, délaissant ces orientations qui ne préparent pas
à l'avenir, dans toute l'Europe une autre gauche s'affirme,
réaliste dans sa prise en compte de l'environnement mondial,
moderne et progressiste dans sa vision économique et sociale. Une
gauche qui veut retrouver l'inspiration première, émancipatrice, «
libérale » et pré marxiste du socialisme, la moderniser en
l'adaptant aux conditions du monde et à l'état de la société
d'aujourd'hui. On pourrait parler d'une conception « socialiste
libérale » qui animerait les gauches d'Europe, au premier rang
desquelles le « labour » britannique, alors que les socialistes
Français éprouvent la plus grande difficulté à abandonner les
schémas et les modes de pensée traditionnels.
Derniers « révolutionnaires », il y a trente ans quand toute
l'Europe était sociale démocrate, ils deviennent sociaux
démocrates, quand les gauches européennes s'affirment« sociales
libérales ».
C'est à partir de cette réflexion et de l'examen de ce qu'ont su
faire les partis de gauche et de centre gauche européens, qu'IES
travaille à élaborer et préciser son projet.
Marc d'Héré